Tout était bien organisé et la ville de Paris était plus belle que jamais. Et si ces JO avaient changé durablement l’image de Paris et de la France aux yeux du monde entier ? car déjà les touristes affluent. « Impossible de ne pas venir à Paris après avoir vu les images à la TV », racontent des touristes américains. Cette image positive aura-t-elle des conséquences durables sur l’économie française et sur le tourisme notamment ? Ce regain d’optimisme est en tout cas le bienvenu dans un contexte où les perspectives économiques restent très incertaines avec une hausse significative des faillites d’entreprises.

France 5 « C dans l’air » du 17.08.24 avec Axel de Tarlé – Interview Didier ARINO

Les JO, un pied de nez contre le  « France bashing »…. enfin de l’énergie positive !

A partir du 26 juillet, les Français ont arrêté de se déchirer pour la politique. Didier ARINO : « la France avait besoin de se réconcilier avec elle-même. Le moral des Français était en berne, impactant la consommation touristique. On a besoin de victoires et de partage, on a besoin de se retrouver ». Les JO ont été une parenthèse sans politique qui a apporté énormément de bienfaits pour la société et pas seulement sur le plan économique. « Cela doit nous faire réfléchir : il y a peut-être trop de politique dans notre pays, trop de médiatisation de la politique…. Et de la mauvaise politique, de  la petite politique politicienne avec des débats sans fin sur des sujets microscopiques alors qu’on attend la France ailleurs. La France n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle porte cette énergie du siècle des Lumières, cette créativité, ce besoin de réussir, cette mise en avant de notre patrimoine« , a déclaré Didier ARINO. Tout cela a contribué à la réussite de ces jeux. A chaque fois que l’on donne l’opportunité de partager des choses, de vivre ensemble, les Français sont au rendez-vous. Avant les JO, on entendait partout dans les médias que les Français allaient fuir Paris. La communication en amont des JO était très négative. On nous a également survendu ces Jeux : on nous annonçait 15 millions de touristes or, seuls 2 millions de touristes étrangers sont venus. On a confondu touristes et visiteurs. Cela a poussé certains, qui sont partis, à regretter de ne pas avoir été là pour vivre ces Jeux, en se disant « on a raté quelque chose ».

Sur le plan touristique, dès que les JO ont commencé, le comportement des Français a changé partout dans notre pays. On était dans une consommation déprimée avec pour les trois 1ères semaines de juillet une baisse de la consommation dans les commerces et les restaurants de 30 à 40% dans certaines zones. Mais à partir du moment où les JO ont commencé, on est rentré dans une énergie positive avec des Français qui avaient le sourire et l’envie de partager. Les Français se sont retrouvés et ont accepté d’assumer le fait qu’on vit dans un beau pays avec un patrimoine sublime. Cette énergie positive, associée aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, a eu un fort impact sur le moral des Français cet été.

JO : des retombées partout en France ou seulement à Paris ?

Paris est une destination à part entière. Paris n’avait pas besoin des JO en termes de fréquentation touristique. On a d’ailleurs constaté une baisse de 15% sur les trois 1ères semaines de juillet avec en contrepartie, une hausse de 11% pendant les JO. Sans oublier la très forte baisse dans les restaurants situés dans les zones qui n’étaient pas à proximité immédiate des sites d’épreuves. On a également enregistré une baisse de 8% dans les hôtels parisiens au mois de juin. Tout cela est sans nul doute du à une mauvaise communication en amont.

Ce qui compte avant tout c’est ce qui va se passer après. Les JO ont valorisé la Destination France. Les vrais gagnants sont les destinations moins connues que Paris, comme Lille qui  a connu des taux d’occupation exceptionnels, une énorme ambiance comme les gens du Nord savent le faire, une consommation fabuleuse, avec des étrangers qui ont découvert cette ville cet été.

Donc ces JO sont un pari réussi sur l’avenir qui donne une autre image de la France mais il ne faut pas s’attendre à des retombées économiques considérables car juin et les trois 1ères semaines de juin étaient en baisse et depuis le 15 août la fréquentation à Paris est de nouveau en baisse. La vraie question est de savoir ce qu’on va construire pour l’avenir. La France est capable d’être performante grâce à une bonne maitrise de la planification et une forte volonté ; on l’a vu avec ces JO. Mais il n’y a pas de politique touristique dans notre pays : quels touristes veut-on ? quelle image veut-on donner ? Comment mieux générer des retombées économiques sur les territoires ?

Ces JO clôturent des années de communication négative pour Paris (attentats, grève, touristes chinois détroussés….). On aura un retour des clientèles lointaines. Quant à la clientèle européenne, ces JO ont donné envie de redécouvrir Paris avec un apriori plus positif qu’avant pour la capitale. La symbolique est très forte au niveau des partenaires des JO : entre Louis Vuitton (élitiste) et Décathlon (populaire), il y a 2 mondes. Mais c’est ça la France : un pays populaire qui peut aussi être ambitieux et réussir. C’est comme ça que la France est belle et que les touristes étrangers ont envie de revenir ; c’est quand la France sublime ses valeurs. La France doit surfer sur cette énergie positive et cette très belle réussite sportive et événementielle. Il faut trouver une autre ambition, notamment au niveau de la consommation. Les retombées économiques des clientèles touristiques étrangères sont 2,5 fois moins qu’aux USA et l’écart se creuse avec l’Espagne (+30% de dépenses supplémentaires vs France). Il ne suffit pas de faire « cocorico » ; il faut que les touristes restent plus longtemps et consomment davantage avec un meilleur étalement des flux sur notre territoire. Certaines zones rurales se sentent déclassées et sans les revenus complémentaires de l’activité touristique, ces destinations seraient en danger.

Des prix exorbitants : « On est passé du quoiqu’il en coûte au tourisme de la débrouille » 

Certains établissements parisiens se plaignent de ne pas avoir bénéficié de l’effet JO mais la plupart d’entre eux ont exagéré leurs tarifs. Une chambre d’hôtel à Paris pendant les JO coûtait 389€ (+ 24% par rapport à 2023 et + 50%, voire +80%, au début de l’année). Les professionnels du tourisme qui ont pratiqué des prix raisonnables en début d’année ont enregistré de bons taux d’occupation. Mais comme on a fait miroiter une fréquentation excessive, de nombreux Parisiens y ont vu une aubaine pour louer leur appartement pour gagner de l’argent (2-5-10 000€). Or, la demande a été moins forte que l’offre. Beaucoup n’ont finalement pas réussi à louer leur appartement sur Air BnB comme ils l’auraient souhaité. Quand on annonce 15 millions de touristes étrangers alors qu’en réalité, 2 millions seulement sont venus, forcément cela créé un décalage et donc une déception. A partir du moment où les demandes ont été moins nombreuses, les prix ont baissé et le marché s’est régulé.

Le vrai problème dans le secteur du tourisme est le modèle économique ; l’équation est compliquée. Augmentation des charges pour les professionnels (énergie, PGE, masse salariale….) sans augmentation du pouvoir d’achat en parallèle. Cela oblige les concitoyens à faire des arbitrages forts, en décidant de ne pas partir en vacances par ex cette année (+1,3 millions de Français à ne pas partir en vacances en 2024 par rapport à 2023) ou en privilégiant l’hébergement non marchand au marchand.

Départ en vacances des Français – été 2024

53% (- 5 points par rapport à 2023)

On est passé du quoiqu’il en coûte au tourisme de la débrouille, en allant chez des amis, dans la famille ou dans une résidence secondaire. Le 1er poste à faire l’objet de ces arbitrages est la restauration.

« Le surtourisme est au tourisme ce que le poisson volant est aux poissons »

Faut-il encourager le tourisme au point de parfois créer du surtourisme ? Faut-il voir considérer, comme dans l’article du Nouvel Obs du 26 juillet 2024, que « derrière le concept du surtourisme se cache un mépris de classe, que c’est idiot de critiquer le surtourisme » ?

Le surtourisme est au tourisme ce que le poisson volant est aux poissons. Certes, le surtourisme existe mais ce n’est pas la majorité de l’espèce. Il existe en effet quelques points de surtourisme en France mais qui sont plutôt bien gérés. On parle souvent des calanques de Marseille ou de Porquerolles : les flux sont gérés. Notre cabinet Protourisme travaille énormément en ce moment sur l’analyse de la gestion des flux, du calcul de l’impact de la fréquentation sur les milieux.

C’est quoi le surtourisme ? C’est quand les milieux n’arrivent plus à se régénérer ou lorsqu’il y a un rejet des populations. Le surtourisme est un sujet très souvent repris par les médias car c’est un sujet facile. En réalité, les exemples sont assez limités (Venise, Amsterdam…). 99% de notre territoire souffre au contraire de sous-tourisme. Le tourisme est lié à l’immobilier. Quand le Club Med s’est implanté en région Rhône Alpes, c’est 650 emplois qui ont été créés pendant la période de construction puis 600 emplois pendant la période d’exploitation ; 200 entreprises locales y ont travaillé. Imaginez une usine de 600 ouvriers qui ferme : cela ferait la une des médias. Le tourisme est également en lien avec la production agricole, avec l’artisanat, avec la culture, avec l’histoire des territoires. Quand on travaille sur des infrastructures touristiques, on voit bien que les habitants se les approprient également. Le tourisme est bénéfique pour les territoires. On assiste à certains endroits à un rejet du tourisme quand les habitants ne peuvent plus se loger du fait de la pression qui est lié au tourisme. Le rejet du tourisme est une réalité. C’est pour cela que ça doit être analysé très finement, au cas par cas.

Par ailleurs, les touristes ne sont pas obligés d’aller toujours au même endroit au même moment. C’est aux médias aussi de ne pas parler que de surtourisme mais de montrer des destinations autres, moins fréquentées. Il existe de nombreuses destinations non fréquentées l’été en France où on ne souffre pas de surtourisme.

Plus que de surtourisme, la France souffre surtout d’un manque de performance touristique

De nombreuses entreprises touristiques doivent rembourser leur PGE à courte échéance (restaurants, sites de visite, hébergeur….) ; elles ne peuvent plus investir en raison des taux d’intérêt trop élevés. Par conséquence, de nombreux professionnels du tourisme ont augmenté leurs tarifs, impactant directement la consommation touristique. Aujourd’hui, on est face à un dilemme : le consommateur a besoin de qualité mais d’un autre côté, les prix sont extrêmement élevés, face à une concurrence internationale plus accessible. Ce n’est pas surprenant que le budget vacances des Français cette année ait diminué.

Il est primordial de réinventer nos stations balnéaires pour qu’elles soient plus durables et plus qualitatives, de favoriser les espaces de montagne et les espaces ruraux avec un bon équilibre touristes/habitants. Tout est dans l’équilibre.

En savoir + : découvrez notre étude annuelle sur le Panorama des vacances des Français 2024

… et aussi : notre étude pour Saint-Etienne Métropole (Loire) sur l’impact du passage du Tour de France : Quelles retombées économiques du Tour de France pour les villes hôtes ?

Jeux Olympiques de Paris 2024