Une invitation à moins prendre l’avion et à se modérer de la part du PDG Aéroport de Paris, Augustin de Romanet, a créé la surprise au salon du Tourisme de Paris et relancé le débat sur la compatibilité entre tourisme et écologie.

Interview Didier ARINO

L’avion a bien un avenir dans le tourisme de demain car il est impossible d’aller aux Etats-Unis ou en Asie pour voyages d’affaires ou de loisirs par d’autres moyens que l’avion…. à moins d’avoir 3 mois de vacances et de se déplacer différemment. Si on veut faire des voyages transatlantiques, il est nécessaire de prendre l’avion.

En revanche, il faut prendre l’avion avec modération, mais comme dans la vie de tous les jours en fait : il faut user de tout avec modération. Cet adage est au coeur de toutes les stratégies de territoire accompagnées par Protourisme : il faut une fréquentation mesurée, étendue tout au long de l’année. Lorsqu’il y a quelques pics de fréquentation, ce n’est pas un problème ; par contre, si le phénomène perdure, comme cela a été le cas avec le surtourisme constaté cet été dans certaines villes et destinations, cela devient problématique. Il faut alors prendre des mesures correctives.

Au lendemain du déconfinement, on nous avait vanté le monde d’après covid qui serait totalement différent, écologique avec un tourisme de proximité et la volonté de tous les voyageurs de découvrir les richesses autour de chez eux. La réalité cette année est toute autre puisqu’on a constaté une forte reprise des voyages à l’étranger et le retour des étrangers dans l’hexagone. Le monde d’après ressemble beaucoup au monde d’avant.

« Il apparait fondamental qu’on ne pourra pas continuer à avoir une croissance du tourisme sans faire d’importants efforts sur la transition écologique, mais cela suppose de proposer un parcours client beaucoup plus fluide et des alternatives de transport viables».

Or, c’est compliqué aujourd’hui pour certains opérateurs (qui ont besoin d’organiser les séjours pour leur clientèle internationale 9 mois à l’avance), d’intégrer le train comme mode de transport puisque la SNCF ne permet les réservations que 3 mois à l’avance. Les gros opérateurs font d’importants efforts en investissant dans un tourisme plus durable, comme le Club Med par exemple (labellisé Green globe, éco-construction….), mais les process ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut également des infrastructures qui permettent d’avoir de vraies alternatives de transport, or c’est loin d’être le cas aujourd’hui. Prenez l’exemple de l’arc atlantique : il est extrêmement compliqué de faire Hendaye- Bordeaux- ou Cherbourg-Biarritz en train sans passer par Paris. Il en est de même pour les lignes entre Marseilles et le sud ouest. Il faut proposer des alternatives viables et fiables pour passer du discours aux actes.

La transition énergétique est plus que jamais nécessaire car avec l’explosion des prix de l’énergie, certains opérateurs resteront fermés cet hiver (le coût du chauffage étant plus important que leur chiffre d’affaires). Pour les remontées mécaniques, avant la crise, cela représentait 5% des coûts énergétiques. Pour les professionnels qui n’ont pas sécurisé leur approvisionnement, cela représentera quasiment 25% des coûts énergétiques cet hiver ! Le secteur du tourisme va rentrer dans une phase très compliquée si le coût de l’énergie reste à ce niveau. Ce ne sera pas le cas pour ceux qui bénéficient d’une très forte fréquentation et qui ont un équilibre économique assuré, mais pour les opérateurs moindres et les territoires qui souhaitent un tourisme des 4 saisons en évitant une surfréquentation estivale et en étalant la saison, cela risque d’être compliqué.