L’intelligence artificielle s’immisce progressivement dans nos habitudes de voyage. Les chiffres récents le confirment : un tiers des Français ont déjà expérimenté l’IA pour planifier leurs vacances, tandis que 10% l’utilisent désormais de manière régulière. Cette progression rapide soulève des questions fondamentales sur l’avenir du secteur touristique et le rôle des professionnels traditionnels.
Didier Arino, directeur général du cabinet Protourisme, nous informe sur les enjeux et les limites.

M6 – 24 juillet 2025 – Interview de Didier Arino

Les atouts de l’IA pour les voyageurs

L’intelligence artificielle présente des avantages concrets pour la planification de voyages.
Elle fonctionne comme un créateur de nouveauté, capable de proposer des destinations et des itinéraires auxquels les voyageurs n’auraient pas spontanément pensé.
Son algorithme peut analyser une multitude de critères simultanément : budget, préférences, contraintes temporelles, météo, événements locaux…

Cette capacité d’optimisation permet aux utilisateurs de structurer rapidement leurs recherches et d’obtenir une première approche cohérente de leur projet de voyage.
L’IA excelle dans la comparaison rapide d’options multiples et dans la suggestion d’alternatives créatives.

L’IA, est à la fois créateur de nouveauté et permet d’optimiser son voyage souligne Didier Arino

Des limites technologiques encore importantes

Cependant, il convient de rester réaliste sur les capacités actuelles de l’intelligence artificielle. Contrairement à ce que pourraient laisser penser certaines promesses marketing, l’IA ne réserve pas encore les hôtels et les trajets à la place des voyageurs.
Elle reste, pour l’instant, un outil d’aide à la décision et non un service de réservation intégral.

Cette limitation technique maintient un espace significatif pour l’intervention humaine dans le processus de concrétisation du voyage.
Entre l’idée générée par l’IA et le voyage réalisé, subsiste un écart que seuls les professionnels du secteur peuvent combler efficacement.

Un bouleversement annoncé pour les agences traditionnelles

L’impact de cette évolution technologique sur l’écosystème professionnel s’annonce considérable.
Nos analyses prospectives suggèrent qu’environ un quart des agences généralistes pourraient disparaître dans les dix années à venir.
Cette transformation s’explique par plusieurs facteurs convergents.

D’une part, l’accessibilité et la gratuité de nombreux outils d’IA contrastent fortement avec les frais pratiqués par les agences traditionnelles, qui peuvent atteindre 20% du prix total du voyage.
Cette différence tarifaire interroge nécessairement sur la proposition de valeur des intermédiaires classiques.

D’autre part, les attentes des consommateurs évoluent vers plus d’autonomie dans la phase de recherche et de planification préliminaire, tout en conservant le besoin d’expertise pour les aspects complexes ou spécialisés.

L’avenir : spécialisation et valeur ajoutée humaine

Cette mutation ne signifie pas pour autant la disparition des professionnels du voyage, mais plutôt leur repositionnement.
L’avenir appartiendra vraisemblablement aux agences de plus en plus spécialisées, capables d’apporter une expertise humaine là où l’intelligence artificielle montre ses limites.

Ces nouveaux acteurs devront exceller dans plusieurs domaines que l’IA ne peut pas maîtriser : la connaissance fine et actualisée des territoires, les relations privilégiées avec les prestataires locaux, la personnalisation poussée basée sur une compréhension subtile des besoins clients, et surtout la dimension émotionnelle du voyage.

La complémentarité comme modèle d’avenir

Plutôt que d’opposer intelligence artificielle et expertise humaine, l’avenir du secteur résiderait dans leur complémentarité.
L’IA peut assumer efficacement les tâches de recherche préliminaire, de tri d’informations et de première structuration des projets.
Les professionnels peuvent alors se concentrer sur leur valeur ajoutée distinctive : le conseil personnalisé, la résolution de problèmes complexes, l’accompagnement dans les situations imprévues et la création d’expériences sur-mesure.

Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large de transformation digitale du secteur touristique, où les outils technologiques augmentent les capacités humaines plutôt que de les remplacer intégralement.

Vers un écosystème hybride

L’intelligence artificielle constitue indéniablement un excellent assistant pour la planification de voyages, mais elle ne saurait remplacer totalement l’expertise humaine et la connaissance approfondie du terrain. Les professionnels qui sauront intégrer ces nouveaux outils tout en développant leur spécialisation et leur valeur ajoutée humaine seront les mieux positionnés pour réussir cette transition.

Le secteur du tourisme entre ainsi dans une phase de recomposition où la technologie et l’humain doivent apprendre à collaborer pour offrir aux voyageurs la meilleure expérience possible.