En obtenant la condamnation de Booking pour des manquements à la taxe de séjour, la communauté de communes de l’île d’Oléron devient la première collectivité française à faire condamner trois grandes plateformes intermédiaires de paiement – Airbnb, Leboncoin et désormais Booking. Au-delà du coup de tonnerre médiatique, cette série de décisions de justice redéfinit le rapport de force entre territoires touristiques et acteurs mondiaux de la location saisonnière. Une actualité clé pour tous les territoires engagés dans la régulation des meublés de tourisme.

La taxe de séjour, nerf de la guerre touristique locale

La taxe de séjour est devenue un levier financier majeur pour les collectivités touristiques : elle permet de financer l’accueil, la promotion, les équipements et de plus en plus la gestion des flux et la protection des espaces naturels fréquentés. Dans des territoires touristiques comme l’île d’Oléron, son produit pèse lourd dans le budget dédié au tourisme et à la gestion des flux en période estivale.

Conscients de cet enjeu, certains élus ont voulu aller plus loin, à l’image de la Région Bretagne qui a tenté, via le PLF 2026, de créer une taxe de séjour régionale (=taxe additionnelle de 200 % à la taxe de séjour) pour financer les transports collectifs bretons en faisant contribuer davantage les visiteurs que les entreprises locales. Cette tentative a été bloquée au Parlement, rappelant que la taxe de séjour reste aujourd’hui un outil d’abord communal ou intercommunal, à manier dans un cadre strict mais stratégique pour les destinations.

Oléron face aux plateformes : 3 condamnations en 2025 !

Dans ce contexte, les condamnations récentes des plateformes intermédiaires de paiement par la communauté de communes de l’île d’Oléron font figure de tournant.

  • Airbnb a été lourdement sanctionné en avril 2025, à hauteur de plus de 8,6 millions d’euros, pour des milliers de séjours mal ou non taxés entre 2021 et 2022, après déjà une 1ère condamnation en 2023.
  • Leboncoin a suivi en juillet 2025, avec 410 000 euros d’amendes civiles et de rappels pour absence de collecte, de déclaration et de reversement de la taxe de séjour sur plusieurs centaines de séjours.
  • Booking vient de rejoindre la liste avec une condamnation supplémentaire en décembre 2025 pour des manquements similaires.

Au-delà des montants, Virginie GENDROT, consultante Protourisme, rappelle qu’un défaut de collecte et de reversement crée un avantage concurrentiel injustifiable face aux hôteliers, campings, chambres d’hôtes, Gîtes de France ou villages de vacances qui, eux, appliquent la taxe de séjour et contribuent loyalement au financement de la politique touristique locale.

Paris, une jurisprudence proche de celle d’Oléron sur le respect des mesures d’encadrement des meublés de tourisme par les plateformes

En effet, une jurisprudence proche s’est dessinée autour du respect des mesures d’encadrement des meublés de tourisme, portée principalement par la Ville de Paris et Île-de-France :

  • En juillet 2021, Airbnb a été condamné à plus de 8 millions d’euros d’amende civile pour avoir publié plus de 1000 annonces de meublés sans numéro d’enregistrement, en violation des obligations prévues par le Code du tourisme.
  • En octobre 2021, Booking.com a été à son tour condamné à plus d’un million d’euros pour ne pas avoir transmis à la Ville de Paris, dans les délais, les données sur plusieurs milliers de locations nécessaires au contrôle du plafond annuel et au respect des règles locales.

Ces décisions ne portent pas sur la taxe de séjour, mais elles convergent avec Oléron sur un point central : les plateformes doivent coopérer avec les collectivités et respecter les dispositifs d’encadrement des meublés de tourisme, sous peine de sanctions financières significatives.

Réguler , un juste équilibre à trouver

Pour les territoires, réguler les meublés de tourisme n’est plus une option mais une nécessité, d’abord pour le logement à l’année et l’équilibre des villes et villages touristiques. La multiplication des locations saisonnières peut assécher l’offre locative permanente, renchérir le foncier, fragiliser le tissu de services et rendre plus difficile l’installation des travailleurs essentiels au fonctionnement de la destination. En articulant taxe de séjour, enregistrement obligatoire, quotas, changement d’usage et contrôle renforcé des plateformes, les collectivités peuvent mieux maîtriser le développement des meublés de tourisme et l’inscrire dans une stratégie de tourisme durable : préserver l’habitat permanent, financer les services touristiques et la protection des espaces naturels, et offrir une expérience de séjour de qualité sans dégrader le cadre de vie des habitants. Pour les destinations, c’est désormais un axe structurant de différenciation et de compétitivité. C’est ce que nous avons fait pour la Communauté de communes de Belle-ile-en mer en 2024. Au 1er janvier 2025, sur 34 800 communes, seulement 251 avaient mis en place des procédures de changement d’usage avec déclaration de numéro d’enregistrement.

Mais attention à trouver le juste équilibre, précise Virginie Gendrot. Réguler pour compenser les effets pervers des locations de courte durée sur le logement à l’année OUI mais sans nuire à l’activité économique locale

… car les meublés de tourisme représentent non seulement des lits touristiques pour accueillir les visiteurs pendant les pics de fréquentation mais ils constituent également des revenus complémentaires pour les habitants à l’année (financement de projets personnels tels que travaux, études des enfants, voyage….).

contact : virginie.gendrot@protourisme.com